Janvier 2017

 

 

Défense de l’article 49.3

 

 

Pardon pour l’ambiguïté du titre. « Défense » signifie parfois « interdiction », par exemple lorsque l’on voit sur un mur : « Défense d’afficher, loi du 29 juillet 1881 ». Mais, alors que l’on entend souvent des déclarations hostiles à son utilisation, le taxant par exemple de « antidémocratique », je ne souhaite pas, moi, l’interdiction du « 49.3 » mais au contraire je veux le défendre dans le sens « plaider pour ».

 

Pour en savoir plus sur l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, vous pouvez vous reporter au bas de cette page.

 

Depuis 1958, cet article a été utilisé 88 fois, 32 par un chef de gouvernement de droite et 56 de gauche.

Quel qu'ait été le premier ministre en place, chaque fois qu’il décida de recourir au 49.3 pour faire adopter un projet de loi il fut critiqué, souvent violemment, par l’opposition et parfois aussi par les membres de son camp qui étaient contre le projet présenté.

On est assez souvent « contre » lorsque le 49.3 permet l’adoption d’une loi que l’on ne souhaite pas et on devient « pour » lorsqu’on a besoin de l’utiliser. Ainsi en 2006, alors que D. de Villepin était premier ministre et F. Hollande secrétaire du PS, F. Hollande déclara : « Le 49.3 est une brutalité. Le 49.3 est un déni de démocratie ». Cela ne l’’empêcha pas de permettre à son premier Ministre M. Valls d’y recourir pour l’adoption de la loi Macron en 2015 et de la loi El Khomri en 2016.

 

Récemment M. Valls a surpris tout le monde en déclarant qu’il était pour la suppression du 49.3. On peut penser qu’il exprimait là une conviction récente ou retrouvée. Pour autant il aurait mieux fait de ne pas en parler si tôt car la droite et ses concurrents à la primaire de la gauche ne se sont pas privés de lui reprocher de se déclarer contre… peu après l’avoir utilisé.

Pourtant je pense que M. Valls y a recouru dans des situations qui justifiaient pleinement son emploi.

Dans les deux cas (loi Macron et loi El Khomri) il n’était pas sûr que les projets s’ils étaient soumis au vote du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) recueilleraient la majorité des voix. Certains, à gauche, refusaient de les voter car ils trouvaient qu’ils allaient trop loin du côté du libéralisme. Les parlementaires de droite auraient pu apprécier ces projets allant pour eux dans le bon sens. Mais par calcul politique, comme on en voit trop souvent, ils préféraient ne pas voter « pour » en déclarant qu’ils n’allaient pas assez loin. Ce faisant ils savaient parfaitement qu’ils mettaient ainsi le premier ministre dans l’obligation de recourir au 49.3, ce qui leur permettrait ensuite de critiquer l’absence de majorité du gouvernement et « son passage en force par le 49.3 » ! Le tout permettrait toutes les critiques et occuperait les médias pendant suffisamment de temps pour dégrader un peu plus l’image du gouvernement. Ce n’est pas que ça la politique, mais malheureusement c’est parfois ça en France en particulier. Temps perdu au lieu de réfléchir aux problèmes du pays. Et des parlementaires (et souvent les médias qui en font leurs choux gras) se régalent de ces manœuvres qui en fait ne font qu’éloigner un peu plus beaucoup de citoyens de leurs élus et de la politique ! Cela s’appelle « scier la branche sur laquelle on est assis ».

Certains qualifient l’utilisation du 49.3 de « déni de démocratie ». Mais où est le respect de la démocratie lorsqu’un camp refuse par calcul politique de voter une loi alors qu’en fait il est pour le sens dans lequel elle va ? On peut d’ailleurs remarquer qu’aujourd’hui certains à gauche dont B. Hamon veulent revenir sur ces deux lois, alors qu’aucun à droite n’a émis une telle intention.

Une partie de la gauche était prête à voter « pour », une autre partie (du côté bien sûr des frondeurs) pouvait voter « contre » car elle allait trop loin et la droite pouvait voter « contre » car elle allait dans le bon sens mais pas assez loin. En pareil cas, au-delà des manœuvres politiques, la conviction pour le gouvernement de la nécessité de ces lois, la prise en compte de l’équilibre des avis opposés et le simple bon sens conduisent à utiliser le 49.3 et on ne peut qu’apprécier l’existence d’un tel article qui permet dans de telles situations de faire adopter un projet de loi.

Par ailleurs… les députés (dont certains crient au scandale et au déni de démocratie) ont bien la possibilité s’ils désapprouvent le gouvernement de voter une motion de censure. Dans ce cas le projet de loi n’est pas adopté. Ils ont donc bien le dernier mot ! Pourquoi cette motion, souvent déposée, n’est-elle jamais adoptée ? Toujours par calcul politique, parce que beaucoup craignent que cela conduise à la dissolution de l'Assemblée nationale et de ne pas être ensuite réélus… Mais où est le respect de la démocratie si on ne veut pas retourner devant les suffrages du peuple ?

 

 

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Pour en savoir plus sur l’article 49 alinéa 3

 

Que dit l’article 49.3 ?

L’article 49 de la Constitution du 4 octobre 1958, alinéa 3, était ainsi rédigé :

« Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les quarante-huit heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. »

Les possibilités de son usages ont été restreintes par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il est à présent le suivant où ce qui est nouveau est en bleu :

« Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les quarante-huit heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »

Remarque : « l’alinéa précédent » dont il est question est l’alinéa 2 du même article 49.

 

A quoi sert-il ?

Recourir à l’article 49.3 permet au premier ministre (dans les conditions définies par les articles 49.2 et 49.3) d’obtenir l’adoption d’un projet de loi sans que les députés aient à se prononcer pour ou contre dans un vote.

 

Quand est-il utilisé ?

Le premier ministre peut y recourir lorsqu’il n’est pas certain de réunir une majorité en faveur du texte ou pour éviter un enlisement dans des débats rendus très longs par le dépôt par les députés d’un très grand nombre d’amendements (c’est un moyen, parfois contestable, pour les députés, de manifester leur désaccord avec le projet de loi).

 

 

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